Les cabinets d'avocats de plus en plus ciblés par des cyberattaques
1. Les cabinets d’avocats deviennent des cibles privilégiées des hackers.
Les dernières études menées en Europe indiquent une intensification des cyberattaques visant les professions juridiques.
En 2024, environ 46 % des cabinets d’avocats français ont déclaré avoir subi au moins une cyberattaque réussie. Comme pour les experts-comptables, les ransomwares demeurent la menace numéro un.
Les attaques de type phishing ciblé (spear-phishing) exploitent souvent la confiance que les clients placent dans leur cabinet, en envoyant de faux emails imitant les avocats ou leurs collaborateurs.
En Grande-Bretagne, la Law Society a recensé plus de 1 200 incidents déclarés en 2024, un chiffre en hausse de 77% par rapport à 2022.
Les cabinets de petite et moyenne taille sont particulièrement vulnérables, faute de moyens internes dédiés à la cybersécurité.
Ces chiffres montrent que la profession n’est plus épargnée : la confidentialité du secret professionnel attire les attaquants, qui cherchent à monnayer les données dérobées ou à bloquer l’activité du cabinet.
2. Les types de menaces les plus fréquentes — avec mise en situation concrète
Les cyberattaques ne sont pas des menaces abstraites. Elles se traduisent par des situations très concrètes qui peuvent bouleverser la vie d’un cabinet d’avocats du jour au lendemain.
A. Les ransomwares
Imaginez : il est 8h30, un lundi matin chargé. Vous vous connectez pour préparer une audience importante. Au lieu de vos dossiers habituels, un message rouge s’affiche sur votre écran : « Vos fichiers ont été chiffrés. Payez 3 Bitcoins dans les 72h ou vos données seront détruites. » Tous les partages réseaux, contrats et preuves électroniques sont inaccessibles. L’activité est paralysée.
Ces attaques par rançongiciel se sont multipliées ces dernières années. Leur efficacité repose sur la dépendance totale des cabinets à leurs bases de données et à leurs logiciels métiers. Payer ne garantit pas toujours la récupération des données, mais refuser expose à des semaines de blocage.
B. Le phishing ciblé (spear-phishing)
Un collaborateur reçoit un email qui semble provenir d’un client stratégique. Le ton est pressant : « Merci de vérifier ce contrat joint pour validation immédiate avant dépôt au tribunal. » En ouvrant la pièce jointe, un logiciel malveillant s’installe et donne un accès complet au SI du cabinet.
C’est ainsi que démarrent la plupart des attaques contre les cabinets, car les avocats gèrent un flux massif d’emails quotidiens, souvent sous pression et dans l’urgence.
C. L’espionnage et la fuite de données
Un cabinet d’avocats travaillant sur une fusion-acquisition stratégique peut devenir la cible d’un État ou d’un concurrent. Une infiltration discrète dans ses systèmes peut durer des mois, avec exfiltration progressive de contrats, données financières ou preuves confidentielles. L’impact : perte de confiance des clients, poursuites judiciaires, et mise en péril du secret professionnel.
D. Usurpation d’identité (spoofing)
Un client reçoit un mail « officiel » de son avocat, demandant un virement sur un compte bancaire « provisoire » pour finaliser une opération. Le mail est convaincant (logo, ton, signature). Mais il est frauduleux. Plusieurs clients français se sont déjà fait piéger, transférant parfois plusieurs centaines de milliers d’euros à des cybercriminels.
E. Exploitation de failles logicielles
De nombreux cabinets utilisent des logiciels métiers spécialisés (gestion des temps, facturation, dossiers clients). Faiblement sécurisés ou pas toujours mis à jour, ces outils deviennent des portes d’entrée idéales pour les attaquants. En 2024, près de la moitié des cyberattaques contre les professions réglementées provenaient de failles connues mais non corrigées.
3. Règlements applicables en cybersécurité pour les cabinets d’avocats
La cybersécurité des cabinets juridiques est encadrée par plusieurs textes européens et nationaux :
Directive NIS2 (2024) : certains grands cabinets ou réseaux d’avocats internationaux sont directement concernés, notamment lorsqu’ils traitent des données dans des secteurs stratégiques (énergie, santé, finance). Elle impose des mesures minimales de sécurité, une responsabilité accrue de la direction, et des sanctions financières lourdes (jusqu’à 10 M€ ou 2 % du CA).
RGPD : le traitement de données personnelles et sensibles (clients, litiges, données médicales, etc.) rend le RGPD incontournable. Les manquements exposent les cabinets à des sanctions allant jusqu’à 4 % du CA annuel.
Obligations sectorielles en France : le Conseil National des Barreaux (CNB) a renforcé ses recommandations en matière de cybersécurité, avec des guides pratiques pour sécuriser les communications électroniques, stocker les dossiers dans des environnements conformes, et sensibiliser les collaborateurs.
Loi “Cyberscore” (2022) : applicable aux plateformes utilisées par certains cabinets, elle impose un audit régulier des systèmes et une notation de sécurité publique.
Ces obligations visent à instaurer un cadre de confiance pour protéger les clients et responsabiliser les dirigeants des structures juridiques.
4. Exemples concrets de cyberattaques dans le secteur juridique

A. Grubman Shire Meiselas & Sacks (USA, 2020)
Ce grand cabinet new-yorkais, connu pour ses clients célébrités (Madonna, Lady Gaga, LeBron James), a été attaqué par le groupe criminel REvil. Les attaquants ont exigé 42 millions de dollars pour ne pas divulguer des contrats et informations sensibles. Après le refus du cabinet, une partie des données a été publiée sur le dark web. L’affaire a provoqué un tollé médiatique et une crise de confiance chez ses clients.
